Police municipale et vidéosurveillance passées au crible par la cour des comptes

Publié le par snpmpicardie

Police municipale et vidéosurveillance passées au crible par la Cour des comptes – Décryptage

Le rapport cinglant de la Cour des comptes, publié le 7 juillet, s’interroge sur « le rôle grandissant de la police municipale » et fustige « l’absence d’étude d’impact fiable » pour la très coûteuse…

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 Source LA GAZETTE

 

 

Le rapport cinglant de la Cour des comptes, publié le 7 juillet, s’interroge sur « le rôle grandissant de la police municipale » et fustige « l’absence d’étude d’impact fiable » pour la très coûteuse vidéosurveillance de voie publique. Décryptage des analyses des juges financiers.

Vivement critiqué par le ministre de l’Intérieur, Claude Guéant, le sévère rapport de la Cour des comptes sur la gestion des forces de sécurité, rendu public le 7 juillet, ne se limite pas à éreinter la baisse des effectifs de police sur le terrain, ou mettre en doute la fiabilité des chiffres de la délinquance.

Une large partie de ce document est également consacrée à la police municipale et à la vidéosurveillance de voie publique, deux dispositifs de sécurité reposant en grande partie sur les collectivités locales.

Police municipale : un « rôle grandissant »

S’agissant de la police municipale (PM), le rapport constate que l’accroissement des effectifs « a été beaucoup plus important que celui des forces de sécurité de l’Etat ». Ainsi, on dénombrait, à l’automne 2010, 3494 polices municipales sur le territoire national (1026 en zone police, 2468 en zone gendarmerie), contre 3027 en 1998. Soit une progression de 15% en douze ans.
Un développement encore plus accentué en termes d’effectifs. En effet, selon la Cour rapportant des chiffres du ministère de l’Intérieur, la filière sécurité de la fonction publique territoriale, policiers municipaux en tête, continue son essor. Elle se répartissait, fin 2010, de la façon suivante :

  • 19 370 policiers municipaux fin 2010, contre 14 300 en janvier 2002 (+35%),
  • 1450 gardes champêtres,
  • 5180 agents de surveillance de la voie publique, parfois utilisés comme « force d’appoint » aux policiers municipaux, relève le rapport,
  • 2330 agents de surveillance de Paris.

11 % des effectifs – Au total, cette filière représentait, fin 2010, environ 28 300 agents, soit 11% des effectifs cumulés de la police et de la gendarmerie nationales. A titre de comparaison, si les effectifs de policiers municipaux sont, en volume, bien moins importants que ceux de la police nationale, force est de constater qu’ils ont augmenté de 35% entre 2002 et 2010, alors que ceux de la police nationale ont baissé de 5,3%.

Armement des polices municipales : un tableau très contrasté

Selon le rapport de la Cour des comptes, 39% des policiers municipaux situés en zone de police nationale (hors Paris et petite couronne) étaient équipés fin 2010 d’armes de 4ème catégorie (armes à feu). « Le nombre de policiers municipaux dotés d’armes est très variable d’une région à l’autre », font valoir les juges qui observent que cette proportion s’élève à 75% dans les communes de Provence-Alpes-Côte d’Azur et 81% en Languedoc-Roussillon, contre 18% dans la grande couronne parisienne et 17% en Rhône-Alpes.

Doctrine d’emploi : clivage et transfert de l’Etat

La Cour des comptes observe par ailleurs un véritable clivage concernant la doctrine d’emploi des PM. « Si beaucoup restent cantonnées dans des missions de police administrative et de prévention, d’autres tendent à devenir des forces de substitution de la police nationale en adaptant, en fonction de celle-ci, leurs interventions et leurs objectifs de lutte contre la délinquance », via les conventions de coordination.
Les auteurs du rapport considèrent ainsi que « le dispositif de coordination entérine une forme de recul des missions de surveillance générale de la voie publique assurées par les services de Etat pour leur permettre de se consacrer davantage aux interventions ciblées de lutte contre la délinquance ».
Et de conclure : « L’équilibre ainsi établi prend acte du transfert de la police de proximité sous l’autorité du maire et de la priorité donnée à l’action répressive, depuis la LOPSI de 2002, par les forces de sécurité de l’Etat. Cette évolution fait ainsi dépendre du choix des élus locaux les conditions de mise en œuvre des politiques de sécurité de l’Etat ».

La Cour des comptes pointe d’ailleurs « les inégalités territoriales », conséquence de l’implication variable des communes dans le champ de la sécurité publique. Une situation dont « l’Etat paraît s’accommoder », en raison notamment du manque de ses moyens.

Une formation à approfondir

En outre, note la Cour, cette grande hétérogénéité de polices municipales « ne favorise pas leur professionnalisation ». Compte tenu de l’extension et de la diversification des missions des policiers municipaux, les auteurs du rapport appellent à « un effort accru de formation initiale et continue ».

Ils recommandent notamment la transmission aux préfets (outre les maires) des avis de fin de formation initiale des stagiaires émis par le CNFPT, « afin de motiver les décisions d’agrément ». Ils recommandent également une obligation de formation continue pour les directeurs de PM et de nouvelles modalités de contrôle des polices municipales.

Vidéosurveillance : une politique approximative

Outre l’évolution des polices municipales, la Cour des comptes passe au crible le développement de la vidéosurveillance de voie publique, principalement portée par les collectivités locales. Premier écueil rencontré : l’estimation du nombre de caméras de voie publique en France.

Dans son rapport, la Cour constate un « écart important » entre les chiffres de la direction des libertés publiques du ministère de l’Intérieur, qui évoque 33 000 caméras en 2009, et sa propre enquête, basée sur les chiffres de la police et de la gendarmerie nationales, qui fait ressortir le nombre de 10 000 caméras à la fin 2010.
A cette « connaissance approximative du nombre de caméras », la Cour souligne « une répartition géographique inégale », la région PACA se révélant prédominante dans cet investissement.

Caméras : un dispositif onéreux dénué d’évaluation

Surtout, la Cour se penche de façon inédite sur le coût de la vidéosurveillance pour les collectivités locales au regard du plan national d’équipement voulu par le gouvernement et qui vise à tripler le nombre de caméras de voie publique.

Se basant sur une valeur moyenne d’exploitation de 7400 euros par caméra et par an, elle estime que le coût d’investissement représente 300 millions d’euros en investissement, financé à 60% par les collectivités, et 300 autres millions d’euros en coût de fonctionnement, entièrement portés par les collectivités. 
Dans ce contexte, la Cour estime qu’il aurait été « souhaitable, notamment du fait de l’importance des sommes en jeu, qu’une évaluation de l’efficacité de la vidéosurveillance accompagne, sinon précède, la mise en œuvre de ce plan de développement accéléré ».

Or, les magistrats n’ont pris connaissance « d’aucune étude d’impact fiable », la seule étude du ministère de l’Intérieur révélant des « résultats contradictoires ». 
Quant aux études menées à l’étranger, précisent-ils en évoquant les travaux du sociologue Tanguy Le Goff, elles « ne permettent pas globalement de conclure à l’efficacité de la vidéosurveillance de la voie publique ».

Dans sa conclusion générale, la Cour déclare :

L’absence, en France, de toute évaluation rigoureuse de l’efficacité de la vidéosurveillance de la voie publique est une lacune dommageable, notamment au regard du montant des dépenses publiques engagées.

Par ailleurs, le rapport de la Cour des comptes déplore que « les modalités d’autorisation de l’installation des systèmes de vidéosurveillance de la voie publique ne sont pas toujours conformes au texte en vigueur ». De même, « faute de moyens », les commissions départementales de vidéoprotection ne peuvent pas non plus exercer leur pouvoir de contrôle a posteriori prévu par la loi.

Opérateurs vidéo : absence de formation adéquate

Enfin, la Cour pointe une dernière zone d’ombre : la faible professionnalisation des agents communaux chargés d’exploiter la vidéosurveillance.

« La montée en puissance de ces systèmes a été encouragée en l’absence de filière de la fonction publique territoriale susceptible de préparer au métier d’opérateur de vidéosurveillance, qui requiert pourtant des compétences techniques et le respect d’obligations déontologiques particulières », observe la Cour. « Les agents chargés de visionner les images ne sont pas assermentés quand ils ne sont pas des policiers municipaux, ce qui est fréquent. Ils n’ont souvent pas reçu de formation spécifique sur les obligations déontologiques afférentes à leur fonction ». Et d’appeler à « l’obligation de suivre un programme de formation » à définir par voie réglementaire.

 

Source : Hervé JOUANNEAU - La Gazette des Communes

Publié dans info presse

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